La relation entre le Covid-19 et les traumatismes

  Andreas Maercker

Professeur Maercker

Source : crédit photo : Andreas Maercker

On nous a donné tellement d’espoir et il a été brisé. —Andréas Maercker

Andreas Maercker, MD, Ph.D., professeur à l’Université de Zürich, est un expert de premier plan sur le trouble de stress post-traumatique et d’autres psychopathologies. Son travail est mondialement reconnu. Le 26 janvier 2022, La norme, un quotidien respecté basé à Vienne, a publié une conversation avec lui. La question sur la table était de savoir s’il existe des liens entre la psychologie post-traumatique et notre lutte collective actuelle contre une pandémie qui ne semble pas vouloir disparaître.

La norme a essayé de pousser doucement le professeur Maercker à reconnaître ces liens, mais Maercker a adopté une approche plus optimiste – et scientifiquement rigoureuse. Le SSPT, a-t-il expliqué, est causé par des insultes intolérables au système corps-esprit, et en fin de compte, il se caractérise par des cauchemars récurrents et des souvenirs de flashback effrayants. Pour la plupart des gens, la vie avec la pandémie a été une expérience prolongée, stressante, décourageante et épuisante, mais elle n’a pas présenté les conditions nécessaires à un traumatisme. Les taux de dépression, de suicide et de toxicomanie ont probablement augmenté et se maintiendront pendant un certain temps. Maercker note que la boîte à outils de la psychologie clinique, du conseil et de la psychothérapie a les moyens d’aider. Même de simples lignes d’assistance téléphonique d’urgence peuvent améliorer l’état mental des personnes en état de détresse aiguë.

Quelle est la prévision à long terme ? Jusqu’à présent, la pandémie et les réponses humaines et politiques à celle-ci ont apporté de nombreuses incohérences et surprises. Avec autant de rebondissements imprévus, il n’est pas surprenant que l’ambiance qui prévaut soit marquée par l’incertitude. Que se passera-t-il ensuite? Y aura-t-il un retour à ce que nous pensions connaître comme « normal » ou y aura-t-il une « nouvelle normalité » à laquelle nous devrons nous adapter ? Maercker reconnaît les montagnes russes psycho-épidémiologiques dans lesquelles nous sommes et il parie sur l’adaptation. Cependant, on ne sait pas exactement à quoi nous devrons nous adapter. L’incertitude, sous couvert d’imprévisibilité, fait partie des conditions écologiques les plus frustrantes, voire débilitantes (Krueger & Grüning, 2021). Il est plus facile de s’adapter à un événement de vie négatif et à ses conséquences tant que ces conséquences sont assez stables et intelligibles (Frankenhuis et al., 2016).

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Maercker propose le chiffre de 95% comme taux d’adaptation réussie éventuelle. Les autres seront confrontés à des défis qui peuvent être résolus sur le plan psycho-comportemental. J’ai contacté Maercker – qui est un ami depuis plus de 30 ans – et lui ai demandé d’où provenait ce numéro. Il s’est référé au dossier empirique global qui s’est développé autour de circonstances comparables. Il s’agit donc d’une supposition optimiste, venant d’un expert bien informé, et il est probable que le point de vue de Maercker soit la meilleure prévision fondée sur des preuves que nous puissions faire. Maercker n’est ni un alarmiste ni un négateur de la réalité.

La norme puis l’a interrogé sur le projet sur lequel il travaillait lorsqu’il était à Vienne en tant que professeur invité. Maercker dit qu’il s’est intéressé au traumatisme collectif et à la transmission de ce traumatisme à travers les générations. C’est un sujet pour notre époque, après les génocides du 20ème siècle. Les biologistes ont commencé à explorer l’épigénétique de la transmission transgénérationnelle des traumatismes (Conching & Thayer, 2019) et les moyens d’y faire face (ou de ne pas le faire), et les spécialistes du comportement peuvent certainement apporter leur contribution. Maercker attribue à l’expérience collective des Amérindiens le mérite d’avoir mis le sujet et le besoin d’étude au premier plan.

Ce qui peut être fait? Maercker identifie reconnaissance comme élément clé. Que cela signifie des excuses, des réparations ou autre chose, c’est difficile à dire, et peut-être au-delà du portefeuille de Maercker. Ce que nous savons cependant, dit Maercker, c’est que la reconnaissance “apaise la douleur”. J’ai hâte de voir le concept de « reconnaissance » s’enrichir d’une signification psychologique. Le discours d’un premier ministre ou la génuflexion d’un chancelier n’est peut-être pas grand-chose, mais ce n’est pas rien. Prenant la liberté de spéculer, je propose que la relation entre le reconnaissant et le reconnu doit être marquée par l’intersubjectivité, une rencontre entre le je et le tu (Gross, 1919). L’astuce sera d’élever l’intersubjectivité au niveau collectif.

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Noter. Je tiens à préciser que cet essai n’est pas un simple résumé des remarques du Dr Maercker dans l’interview du journal, mais un mélange d’un tel résumé et de mes propres spéculations. S’il y a des erreurs, ce sont les miennes et non celles du Dr Maercker.